Utah, Arizona…

 

Frontières de l’esprit qui croyait pouvoir embrasser d’un seul mouvement son histoire, son espace, ses rêves. Ici, tout dépasse tout. Sur la photographie, la tache minuscule prête de s’envoler au bord du gouffre, arrachée par le vent, c’est l’homme, infiniment petit, ramené à sa mesure d’homme. Le nain jeté tout nu dans la Nature géante.

Des aiguilles de grès en guise de cathédrales, des massifs de calcaire en guise de forteresses, des cités de sapins et des visages de pierre. L’eau furieuse a taillé en silence des fers pour les sabots d’un cheval immense, transparent comme l’air. Sous leur drapé Miyaké, les roches d’Antelope exhibent, impudiques, un velours écarlate. Les routes sont des lignes infinies qui mènent droit dans les nuages. De gros culs rutilants les parcourent sans hâte, d’Est en Ouest, du Nord au Sud.

Et sous la lumière crue, mobile home hagards, pick ups éventrés, les sombres Navajos refont, à l’envers et sous l’arche du temps, la longue marche de leur destin nomade. Pour supporter l’attente. Celle d’un retour à l’aube d’avant les villes, à l’essence minérale du monde. Celle des premiers jours. Contact, musique. Derrière le pare-brise, l’ombre fugace d’une cowgirl dans le sable.